Ancien de l’ESME (promo 1999), journaliste et rédacteur en chef du pôle digital de Sciences et Avenir – La Recherche, Olivier Lascar vient de signer « Enquête sur Elon Musk, l’homme qui défie la science », un ouvrage passionnant aux éditions Alisio. Loin d’être une biographie (et encore moins une hagiographie) du serial entrepreneur à la tête de Tesla et SpaceX, ce livre emmène le grand public à la découverte des technologies ayant fait le succès de cette personnalité aussi incontournable que polarisante en faisant intervenir de très nombreux scientifiques et experts. Une véritable plongée dans un monde où futur et science-fiction ne cessent de s’entremêler, qui méritait bien d’être discutée avec son auteur.
Olivier Lascar – Crédit photo : Bernard Martinez
Depuis combien de temps suivez-vous le parcours d’Elon Musk ? Ou plutôt quand est-ce que vous avez commencé à le remarquer ?
Olivier Lascar : Quand on travaille dans un média comme Sciences et Avenir, une personnalité comme Elon Musk fait partie du décor. Et c’est d’autant plus le cas lorsque ce média, comme chez Sciences et Avenir, se décline également sous la forme d’un site web sur lequel se chronique l’actualité scientifique au quotidien : avec Elon Musk, on pourrait écrire quelque chose toutes les semaines ! Évidemment, on ne le fait pas, car quand on sait que le personnage est tantôt dans la communication, tantôt dans la réalité. Mais toujours est-il qu’Elon Musk semble être là, depuis toujours, et cela même s’il ne l’a justement pas toujours été. En fait, le moment où Elon Musk m’est vraiment apparu et où mon esprit a percuté sur sa personnalité, c’est en 2013, quand il publie un livre blanc sur l’hyperloop, ce train sous vide qui voyagerait aussi vite que l’avion. Cette publication connaît un fort retentissement médiatique, en étant également accompagnée d’une imagerie de science-fiction très forte. Un vrai coup d’éclat de sa part, repris internationalement. Sauf qu’il s’agit d’un coup d’éclat en trompe-l’œil puisque Musk n’a pas fondé lui-même une société d’hyperloop et qu’il n’a pas non plus inventé son concept. Néanmoins, son livre blanc a donné un coup d’accélérateur à ce principe technologique qui, depuis, est investi par d’autres sociétés faisant d’ailleurs face à un certain nombre de difficultés.
Mais le moment qui m’a donné spécifiquement envie de m’intéresser encore davantage à son parcours intervient en 2020. Étant ingénieur de formation et continuant à écrire sur des sujets d’ingénierie à Sciences et Avenir, il m’arrive d’être sollicité de temps en temps par d’autres médias, notamment par des médias généralistes qui ont de moins en moins de journalistes scientifiques dans leurs équipes, ce qui est un autre problème. Bref, la radio RTL me contacte pour savoir si je suis disponible afin de parler d’Elon Musk. Moi, je pense que c’est pour un JT, mais finalement, on me dit qu’il s’agit de « Confidentiel », une émission animée par Jean-Alphonse Richard qui, sur une heure, retrace le parcours d’une personnalité. Je découvre alors que l’émission de la semaine d’avant était sur Zidane et que celle d’après allait porter sur Ursula Andress, actrice qui fut la première James Bond et, accessoirement, une compagne de Jean-Paul Belmondo. Je me dis que si Musk fait l’objet d’une émission d’une heure sur RTL entre Zidane et Ursula Andress, c’est qu’il s’était passé quelque chose à son propos et qu’il avait basculé dans un autre univers : il était devenu un people, quelqu’un dont tout le monde a déjà entendu parler. Mais les gens ont beau en avoir entendu parler, ils ne savent pas exactement ce qu’il fait, ni qui il est. Ils vous diront « ah oui, Elon Musk, l’inventeur un peu fou qui veut aller sur Mars », mais à côté de ça, plus rien. À partir de là, je me suis donc dit qu’il y avait un travail à faire auprès du grand public pour expliquer les projets scientifiques, technologiques et industriels derrière ce personnage. C’est donc en sortant de cette émission que j’ai eu l’idée du livre !
Justement, malgré les nombreux détails et les multiples anecdotes techniques, le lecteur néophyte n’est jamais perdu au fil de votre récit…
Olivier Lascar : Il ne s’agissait pas de faire une biographie – ce qui a déjà été fait – ni un travail basé sur la success story entrepreneuriale du bonhomme – là-aussi, cela a déjà été beaucoup fait –, mais vraiment de faire un travail de pédagogie à la Sciences et Avenir d’une certaine façon, pour expliquer scientifiquement ce qu’il veut faire, pourquoi ça marche quand ça marche, pourquoi ça ne marche pas quand ça ne marche pas et pourquoi ça ne marchera jamais dans certains cas.
Si le grand public connaît Elon Musk, c’est aussi le cas des scientifiques qui sont nombreux à intervenir dans le livre. Et quand on écoute ce qu’ils ont à dire, on se rend compte que le créateur de SpaceX divise énormément cette communauté, avec d’un côté ceux qui s’en méfient et le critiquent, et de l’autre, ceux qui le rejoignent. Cette polarisation reflète-t-elle la réalité ?
Olivier Lascar : On se retrouve avec des personnes qui l’admirent violemment, à l’image de Christophe Bonnal (spécialiste des lanceurs au CNES) qui dit sans ambages que Musk est génial et qu’on a affaire au « nouveau Wernher von Braun » (ingénieur nazi qui, après la seconde Guerre mondiale, a été naturalisé américain et a participé au programme Apollo). À l’inverse, d’autres ne peuvent vraiment pas le sentir et, s’ils se laissaient aller, le traiteraient volontiers de « blaireau intégral ». Il y a très peu de personnes entre ces deux camps. À ce titre, Musk est très représentatif des personnalités contemporaines, avec ces débats publics clairement pas apaisés qui dérivent à chaque fois vers les extrêmes, sans juste milieu possible. Et cela, Musk en est clairement responsable tant on a l’impression qu’il aime à montrer constamment la pire partie de lui-même, notamment sur Twitter. Quand on regarde ses tweets, on remarque qu’il enfile comme des perles des appeaux à trolls, faisant souvent des blagues débiles et des commentaires déplacés sur l’actualité. Par exemple, quand il écrit « je provoque en duel Poutine et l’enjeu de notre combat sera l’Ukraine » en mars dernier, cela paraît au mieux scabreux, au pire lamentable au vu de la situation. En ce qui me concerne, je pense que l’on peut rire de tout, mais qu’il convient de faire gaffe à ce qu’on dit, de garder une certaine retenue quand on est un personnage public… Musk, il ne fait pas gaffe. Il fait même exprès de ne pas faire gaffe. Ce n’est pas pour rien s’il aime être comparé et se comparer lui-même à des personnages de fiction, comme Iron Man ou Citizen Kane à la façon dont il essaie de devenir maître des médias contemporains avec son projet d’acquisition de Twitter, justement. Pour ma part, je le compare assez volontiers au lieutenant Columbo. Comme lui, Musk joue au crétin parce qu’il sait que cela peut être parfois très utile. Nous-mêmes, en tant que journalistes, il nous arrive d’appliquer cette méthode en interview, comme lorsqu’on demande à notre interlocuteur de nous expliquer un sujet comme si l’on était un enfant de 3 ans. Cela permet de délivrer la parole, mais surtout de désinhiber, de baisser la garde. Et Musk joue de ça. C’est ce qui lui a aussi permis de prospérer.
Comment cela ?
Olivier Lascar : Par exemple, quand il a commencé à vouloir travailler dans le spatial, expliquant son ambition de faire des fusées capables de décoller et de réattérir, les gens le méprisaient ouvertement, mais sa façon de faire lui a permis d’avancer malgré tout. C’est un peu l’histoire du lièvre et de la tortue, sauf que Musk est une tortue extrêmement rapide. Tandis que les autres acteurs du spatial ne le prenaient pas au sérieux, lui continuait son chemin… et il leur a taillé des croupières au final ! Musk provoque donc ces points de vue extrêmes en connaissance de cause. Mais ce qui m’étonne encore aujourd’hui, c’est que cela continue à marcher. On pourrait pourtant se dire qu’il ne faudrait plus répéter cette erreur tant Musk est totalement en mesure de nous imposer ses choix technologiques, mais il perdure du déni et un mépris chez certains scientifiques et industriels. Ils pensent encore que Musk est une « bulle » qui finira par exploser, sauf qu’ils font erreur. On le voit par exemple avec sa société The Boring Company qui creuse des tunnels pour permettre aux voitures de passer sous terre et donc d’éviter les embouteillages : l’industrie des tunneliers réagit aujourd’hui comme les grands acteurs du spatial au moment où Musk annonçait ses objectifs, prétextant simplement que cela ne marchera pas. Sauf que Musk, pendant ce temps, continue de faire ses tunnels et finira peut-être par les bouffer. Cette posture m’étonne donc encore.
Votre livre démontre qu’Elon Musk possède la capacité de rendre tangible des concepts et idées longtemps catalogués comme appartenant uniquement au registre de la science-fiction, voire du fantasme. Est-ce que cette démarche a fait des émules chez les ingénieurs ?
Olivier Lascar : Pour le moment, ce n’est pas vraiment le cas. Cela reste encore l’une de ses singularités. Et s’il peut le faire, c’est parce qu’il y a quelque chose de foncièrement vrai en lui par rapport à cet imaginaire. Il possède une réelle érudition en matière de science-fiction. Évidemment, beaucoup d’ingénieurs et inventeurs de sa génération – Musk a 50 ans – sont fans de science-fiction, ne serait-ce que pour avoir grandi avec Star Wars. Sauf qu’il y a plusieurs degrés dans la science-fiction, avec d’un côté, le mainstream et de l’autre, des références plus « raffinées ». Or, Musk parvient très bien à naviguer entre les deux. Ainsi, il va nommer son lanceur Falcon en référence au Faucon Millenium de Han Solo – c’est le mainstream – et appeler « Just Read The Instructions » et « Of Course I Still Love You » les plateformes en mer permettant justement l’atterrissage de ce lanceur. Ces noms ne sont pas anodins : ce sont des références à l’auteur écossais Iain M. Banks, considéré comme un pape de la science-fiction littéraire tout en étant inconnu du grand public. Même chose pour son projet Neuralink : quand il explique qu’il faudrait faire une interface entre le cerveau et la machine et qu’on lui pose une question pour préciser sa pensée, il reste assez flou et utilise une expression, celle de la « dentelle neuronale ». Et bien, la dentelle neuronale vient directement de Iain M. Banks. Depuis l’enfance, Elon Musk s’est donc construit un imaginaire autour de la science-fiction et il cherche à le rendre réel. Pas parce que c’est un geek, mais parce qu’il est persuadé, à l’instar d’autres de ses contemporains au sein des GAFAM, que la technologie porte en elle la résolution de tous les problèmes. C’est un peu la même chose dans la finance où les tenants de l’ultra-libéralisme assurent que la main invisible du marché interviendra tôt ou tard pour trouver une solution et instaurer une forme d’auto-régulation. Chez Musk, on a affaire à une sorte de « main technologique » qui viendrait tout résoudre. Mais la technologie est-elle foncièrement bonne ? Un marteau peut servir à planter un clou au mur pour accrocher un beau tableau comme il peut servir à éclater la tête de votre voisin. La technologie n’est donc pas une solution en elle-même : c’est un vecteur. Et il faut donc faire attention. Toutefois, si Musk n’a pas encore fait d’émules visibles dans l’industrie, c’est un type qui fait rêver les jeunes.
En quoi arrive-t-il à captiver la jeunesse ?
Olivier Lascar : C’est quelque chose que j’ai constaté en tant qu’animateur de l’émission ESME Demain ou en tant qu’intervenant dans des écoles de journalisme : il arrive à parler à cette génération pour qui tout semble difficile, à qui on demande de faire attention à la planète et qui baigne dans un discours apocalyptique, très anxieux. Paradoxalement, alors qu’il n’apporte aucune réponse à ces questions, notamment sur le climat, il est un vecteur de rêve et d’espérance pour cette catégorie de la population parce qu’il promet des choses. Tandis que le rapport du GIEC nous explique que l’on n’aura bientôt plus de planète d’ici les prochaines années, Musk nous parle de la fin du siècle : il se projette. Même si ce n’est pas forcément pour de bonnes raisons – aller sur Mars parce que la planète se meurt, ce n’est pas très positif –, il promet au moins quelque chose. Dans ce contexte, il crée une sorte d’émulation et occupe un rôle de modèle. D’ailleurs, chez ses comparses au sein de la « ligue des gentlemen des GAFAM », il est un peu à part. C’est le seul qui semble réellement habité par ses projets et par une forme de sincérité liée à sa culture et à son goût pour la science-fiction. Reste que l’on peut se demander si sa sincérité est positive pour la collectivité.
Cette émulation se retrouve aussi à travers ses défis. Sans SpaceX, le New Space ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui, non ?
Olivier Lascar : C’est vrai. Ce n’est pas SpaceX qui a inventé le New Space mais elle en est le parangon.
Au fil du livre se dégage un constat : Elon Musk a beau avoir recruté des gens brillants pour ses différents projets, il semble toujours seul aux manettes. Est-ce la réalité ?
Olivier Lascar : Oui, absolument, et il en est aussi responsable. Pour chacune de ses sociétés, il est très souvent le seul à avoir le droit de parler. Pour SpaceX, le vice-président Tom Mueller pouvait le faire en son temps, mais il a depuis quitté la société. Aujourd’hui, la directrice des opérations, Gwynne Shotwell, peut occasionnellement prendre la parole, mais c’est extrêmement rare. D’ailleurs, il y a un énorme « turnover » dans les entreprises de Musk : les gens n’y restent pas car ils sont essorés extrêmement rapidement. En revanche, il a réussi à construire un pouvoir d’attraction tel que, si les gens le quittent rapidement, d’autres le rejoignent tout aussi rapidement. Quant à cette solitude apparente, on a parfois l’impression que Musk lui-même semble l’avoir identifiée comme un problème et qu’il cherche à la contrer. On a pu ainsi le voir avec Neuralink.
Dans quel sens ?
Olivier Lascar : Toutes ses sociétés ne font aucune communication scientifique classique au sens académique. Cela signifie que toutes les communications faites autour de ces technologies interviennent uniquement quand Musk se décide à prendre la parole, notamment dans de longues vidéos diffusées en direct sur YouTube. En août 2020, pour une grosse vidéo consacrée à Neuralink, ce capteur à mettre dans le cerveau pour enregistrer des signaux cérébraux et les transformer en commande de machines ou smartphones, Musk présente le projet à travers trois cochons – un qui a reçu le capteur avant d’en être délesté, un qui n’a jamais eu de capteur et l’autre à qui l’on vient de l’implanter – afin de montrer comment s’enregistrent les signaux des neurones reliés au groin. Quand il commence la vidéo, il est seul en scène et explique le projet. Puis, il demande à une dizaine de collaboratrices et collaborateurs de le rejoindre pour répondre ensemble aux questions. C’est un vrai moment de collégialité et, avant que tel ou tel ingénieur prenne la parole, on voit Musk l’inciter à d’abord dire qui il est, à se présenter. On a l’impression qu’avec cette vidéo qui met en avant le groupe, Musk souhaite être vu comme un leader, mais cela ne fait pas oublier le fait qu’il est hautement narcissique. Il aime que l’on parle de lui et adore être au centre des intérêts. D’ailleurs, après qu’il eut pour la première fois annoncé vouloir racheter Twitter, sa première réponse à la question « pourquoi » a été « je ne sais pas ». Même si, plus tard, il a pu donner des explications, je crois sincère ce « je ne sais pas ». Il y a un côté pulsionnel : en rachetant Twitter, il devient vraiment le sujet numéro 1 des discussions sur ce réseau social. Il boit du petit lait !
Même si vous appelez ceux qui méprisent Musk à se méfier de lui, est-ce que vous l’imaginer capable de se brûler les ailes ? Voyez-vous des éléments qui pourraient potentiellement entraîner sa chute ?
Olivier Lascar : Disons que je vois deux goulots d’étranglement liés au spatial. En effet, le spatial est une industrie éminemment complexe et dangereuse – rappelons que faire décoller une fusée revient à maîtriser une explosion. Ainsi, plus Musk va faire de lancements, notamment avec des astronautes, plus le risque de voir survenir un accident va grandir. Dans son histoire, la NASA a d’ailleurs connu de tels drames impliquant la mort d’astronautes (comme avec l’accident de la navette Columbia de 2003… qui entraîna la suspension du programme des navettes spatiales). Comment SpaceX se sortirait d’une pareille catastrophe industrielle ? C’est une vraie question, d’autant plus que Musk n’est pas connu pour faire preuve d’une très grande empathie. Un tel scénario pourrait donc être terrible, en sachant que Musk n’est pas seul dans ce secteur : il a des compétiteurs en face de lui, à commencer par Jeff Bezos qu’il déteste – une haine réciproque ! Si SpaceX décroche, l’entreprise Blue Origin de Bezos sautera sur l’occasion. Cela, c’est le premier goulot d’étranglement possible.
Le second repose sur l’histoire même de SpaceX qui a prospéré grâce à l’argent public américain. Pendant des années, l’entreprise et la NASA ont avancé ensemble, main dans la main, sauf que là, on arrive à une sorte de « moment Frankenstein » pour rester dans le registre de la science-fiction. Le créateur perd le contrôle de sa créature et ça se passe mal : la NASA a permis à Musk de devenir ce qu’il est devenu et Musk n’a pratiquement plus besoin d’elle. Est-ce que la NASA va donc laisser Musk s’ébrouer seul dans toutes les directions ou va-t-elle, à un moment, lui donner « un coup de taser » pour lui remettre les idées au clair ? Seules les années qui viennent nous le diront. Cependant, il y a quelques mois devant l’ONU, la NASA a pour la première fois publiquement tapé du poing sur la table sur la question des méga constellations et la pollution qu’elles engendrent en obstruant le ciel et en empêchant les observations, un sujet dramatique pour le microcosme des astrophysiciens. Quand on sait que Musk, via son projet Starlink, fait partie des premiers visés, cette prise de parole de la NASA paraît étonnante. Et ce n’est pas tout : en parallèle, il y a quelques semaines, la NASA a aussi annoncé vouloir finalement prendre un deuxième alunisseur en back-up alors qu’elle ne devait à l’origine prendre que le Starship de SpaceX. Ce sont des signes à prendre en compte. Et comme Musk est atteint de ce qu’on appelle l’hubris, soit ce sentiment de toute puissance qui précède la chute, il arrive à une situation où il devrait faire davantage attention. En résumé, je ne crois pas qu’Elon Musk soit une bulle, mais en revanche, en raison des risques liées à ses différentes entreprises – on aurait d’ailleurs très bien pu parler également de la question de l’autopilote de Tesla –, je suis persuadé qu’il connaîtra forcément des remous.
Finalement, qu’est-ce qu’Elon Musk vous a appris à titre personnel ?
Olivier Lascar : Quand j’ai commencé à penser ce livre, je me suis dit que c’était une bonne idée, mais je me suis aussi tout de suite demandé si j’étais prêt à passer un an avec Elon Musk pour la concrétiser. C’était une vraie question, d’autant qu’Elon Musk ne m’est pas vraiment sympathique et qu’il ne me fascine pas non plus. Pour moi, c’était un « sale boulot », mais il fallait bien que quelqu’un s’y colle ! Du reste, bien qu’il ne me soit pas sympathique, Musk m’attire tout de même d’une certaine façon, parce que j’ai un goût pour les « freaks », du nom de ce vieux film de Tod Browning sur les monstres de foire : j’ai toujours été attiré par les gens qui sortent de la norme par des aspects monstrueux, littéralement ou pas, en se servant de leurs handicaps. Et c’est cela en quoi Musk peut avoir un enseignement pour chacun d’entre nous. « Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi » disait Cocteau. Et c’est vrai qu’on a l’impression que Musk fait de toutes ses difficultés un atout. En résumé, bien que ce livre ne soit pas un livre de management personnel, il y a quand même quelque chose à en retirer à ce niveau : il faut croire en soi. Musk est un type qui croit en lui, d’une façon quasi pathologique, voire excessive, mais croire en soi à un certain degré peut avoir du bon. Il en est la preuve.